mardi 30 décembre 2008

En attendant les propositions du Comité Balladur (et celles de Christian Blanc) ...

Alors que le débat sur le Grand Paris devient de plus en plus touffu (pour ne pas dire épineux), rappellons 3 contributions décrivant le problème de l'organisation territoriale de la région urbaine de Paris. Toutes les trois datées d'avril 2008, elles ont le mérite de la clarté et constituent de solides diagnostics, utiles pour orienter les différents protagonistes sur les pistes de réforme envisageables. A commencer par les membres du "Comité Balladur", chargés par le Président Sarkozy de plancher sur la (très attendue) "réforme territoriale". Pour l'heure, l'hypothèse d'un projet de loi spécialement dédié à la Région Île-de-France tiendrait la corde... Dans l'attente du rendu des propositions de l'ancien Premier ministre - et sans oublier les projets de Christian Blanc qui devraient être annoncés au même moment ni la structuration du syndicat mixte d'études "Paris Métropole" - on peut toujours méditer sur ces 3 contributions qui ont le mérite de dresser un état de lieux de la situation géopolitique actuelle, à "gouvernance constante" pourrait-on dire. En guise de synthèse, nous reprenons un article de David Le Bras et de Philippe Schmit, respectivement responsables des politiques urbaines et de l'action régionale au sein de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF), paru dans Intercommunalités, N° 122, avril 2008, page 4.



L’intercommunalité francilienne et le Grand Paris sous les feux de la rampe
Par David Le Bras et Philippe Schmit, AdCF

Un sujet largement débattu : c’est le moins que l’on puisse dire à propos de l’intercommunalité francilienne. Du rapport « Scenarii pour la métropole Paris - Île-de-France demain », émanant du conseil régional d’Île-de-France, à l’autosaisine du CESR, intitulée La contribution de l’intercommunalité à l’action régionale, en passant par le Grand Paris, un vrai projet pour un enjeu capital présenté par le sénateur Philippe Dallier pour le compte de l’Observatoire de la décentralisation, force est de constater que la question de l’organisation intercommunale de la région parisienne nourrit l’actualité politique post-municipale.

Au conseil régional

Le travail du conseil régional d’Île-de-France est le fruit d’une commission constituée le 25 octobre 2007 dernier et présidée par Jean-Paul Planchou. L’objectif de ces conseillers régionaux était d’examiner les possibles évolutions organisationnelles ou institutionnelles de l’agglomération francilienne, et particulièrement de son coeur. À cet égard, les édiles proposent d’engager, dès à présent, un triple mouvement reposant, tout d’abord, pour le coeur d’agglomération, sur la structuration de la coopération entre collectivités locales afin de donner à la zone dense les moyens de sa structuration institutionnelle et de faire émerger un projet partagé ambitieux. Ensuite, pour la métropole et la région dans son ensemble, il s’agit de mettre en oeuvre les réformes nécessaires à une plus grande attractivité, à une meilleure qualité de vie et à une efficacité optimale des politiques publiques d’échelle métropolitaine. Pour l’ensemble des collectivités, enfin, ils affirment la nécessité de moderniser les conditions financières et fiscales indispensables à la concrétisation de ce nouvel élan.

Rapport Dallier

« Il y a trop de pilotes dans l’avion et le mille-feuille institutionnel est incompréhensible et inadapté au besoin criant de cohésion et de solidarité qui caractérise le coeur de l’Île-de-France » allègue, quant à lui, Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis, dans son rapport. En effet, des nombreux scénarii aujourd’hui en débat, l’élu francilien n’en retient qu’un seul. Il propose de construire un Grand Paris qui se substituerait aux quatre départements actuels de la petite couronne. L’idée d’une intercommunalité nouvelle, qu’elle soit syndicale ou communautaire, est totalement écartée. Le modèle communautaire a, selon lui, de nombreuses vertus, mais n’est pas une solution adaptée aux spécificités de la première couronne. C’est pourquoi il propose une architecture à trois niveaux pour le coeur de l’agglomération : une région, un Grand Paris, des communes. Dès 2010, une loi pourrait opérer la fusion des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne « qui n’ont jamais été des échelons de proximité ». Les actuels conseillers généraux seraient amenés à gérer les 5,5 milliards de budget consolidé et à exercer les compétences des départements dans ce nouveau périmètre de solidarité. En 2011, une nouvelle loi créerait le « Grand Paris » au statut sui generis. Ses compétences seraient limitées au transport, au logement, au développement économique et social, et à la sécurité. Les autres compétences, aujourd’hui départementales, seraient partagées entre la région (grandes infrastructures, collèges) et les communes qui ont la taille suffisante (ce qui les différencie du reste de la région et des autres régions) pour assurer les services de proximité et la relation directe avec les bénéficiaires du RMI ou de l’APA… La collectivité serait dotée d’un budget et de ressources propres (celles perçues aujourd’hui par les départements). Le président du Grand Paris serait élu au suffrage universel direct. Ce scénario, qui vise « à supprimer toutes les frontières départementales au sein d’un périmètre de cohésion, de péréquation, de solidarité », s’accompagnerait d’une disparition des communautés d’agglomération de la première couronne, dont le périmètre est jugé peu pertinent au regard des enjeux.

Au CESR

Bien que lucide sur les imperfections des périmètres de certaines communautés franciliennes, le conseil économique et social régional (CESR), par le biais de son président, Jean-Claude Boucherat, préconise l’achèvement de la couverture régionale par l’intercommunalité, interlocuteur local indispensable pour le Conseil Régional. Sur la base de politiques contractuelles renforcées et sous réserve, entre autres, d’une clarification précise des compétences respectives, la mise en oeuvre du SDRIF est présentée comme une opportunité à saisir pour donner un sens supplémentaire aux projets locaux. Il suggère que les politiques régionales soient systématiquement déclinées à l’échelle intercommunale. Le rapporteur du rapport soulignait, lors de la conférence de presse, que « le mouvement intercommunal en Île-de-France est encore jeune ; il est, certes, perfectible mais ne peut être remis en cause sans que la mobilisation soit forte pour lui donner sens ».
Sensiblement distincts dans leurs analyses, leurs préconisations et leur niveau de prescription, les rapports du conseil régional d’Île-de-France, de l’Observatoire de la décentralisation et du CESR ont en commun de contribuer à la mise en débat de l’intercommunalité en Île-de-France. Autrement dit, alors qu’elle était largement absente des récentes élections municipales, la question communautaire occupe désormais le devant de la scène politique locale.
David Le Bras et Philippe Schmit



Pour aller plus loin, consulter :

dimanche 30 novembre 2008

Quelle gouvernance territoriale pour le système de déplacements métropolitain ?


La Conférence métropolitaine, réunie ce 5 novembre 2008 à la Mairie du XXe arrondissement de Paris, a adopté les statuts et les principes instituant le syndicat mixte d'études « Paris Métropole » (SMEP), dont le lancement avait été annoncé lors des assises de la métropole le 25 juin dernier. L'adhésion des collectivités comprises dans le périmètre du syndicat, se fera sur la base du volontariat, par mode de délibération des conseils municipaux, communautaires et généraux (mais aussi du conseil régional qui compte bien peser dans la démarche). La réflexion concernant la structuration du territoire de la zone dense de l'Île-de-France prend donc une nouvelle dimension politique. En effet, parce que l'adhésion à Paris Métropole implique nécessairement un débat dans chacune des communes et au sein des assemblées délibérantes, le processus de coopération institutionnelle bénéficiera d'une pleine validité politique (alors que jusqu'à maintenant le mode de participation était davantage informel).
« Le lancement de Paris Métropole est le fruit d'un consensus dynamique et pluraliste trouvé au terme d'un travail intense qui fut mené majoritairement par des maires de la première couronne francilienne, aux côtés desquels ont œuvré la Région et les départements, et orchestré notamment par Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris en charge des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France (…) », veut rappeler Philippe Laurent, Maire de Sceaux et membre du Secrétariat de la Conférence métropolitaine. Ainsi Paris-Métropole sera un interlocuteur crédible du gouvernement et notamment de son Secrétaire d'Etat chargé du développement de la Région Capitale, Christian Blanc.
Trois objectifs principaux sont assignés au syndicat : « 1° La définition des partenariats possibles pour des projets de dimension métropolitaine, et pour cela l'identification des méthodes, études ou hypothèses de travail qui pourront être mises à disposition des collectivités territoriales et des EPCI pour faciliter la réalisation concrète de projets qui auront un effet durable sur le développement de l'agglomération ; 2° Une réflexion et des propositions sur la solidarité financière et les diverses hypothèses de péréquation d'une part et de mutualisation d'autre part au sein de la métropole et à l'échelle régionale ; 3° Une réflexion et des propositions sur l'évolution de la gouvernance de la métropole ». Des débats de la séance du 5 novembre ressort tout de même une priorité, celle du deuxième objectif : Paris-Métropole aura avant tout vocation à étudier la mise en œuvre d'une logique financière de mutualisation des ressources permettant de répondre efficacement, à l'échelle d'un territoire urbain dense particulièrement marqué par de fortes inégalités, aux attentes de ses habitants en matière de transport, de logement et d’emploi.
Si l'objet de Paris Métropole est strictement limité aux études qu'il conviendra de mener, avec l'appui des syndicats techniques existants, dans les grands domaines traditionnels de la gestion publique que sont l'aménagement, l'environnement, les transports, la formation ou la culture, ces études pourront déboucher sur des « projets d'intérêt métropolitain », à l'instar de ce qui était d'ailleurs préconisé par le Rapport Dallier (certes plus radical dans ses propositions).
En matière de transports et de mobilité, les enjeux métropolitains sont particulièrement importants. Rappelons qu’en Île-de-France, 70% des déplacements sont internes à la banlieue (Source EGT DREIF/INSEE, 2003). Dans le Val-de-Marne, 80% des déplacements de banlieue à banlieue s’effectuent en voiture. Et quand bien même ils s'effectuent en transports en commun, la structure radiale du réseau implique le plus souvent un transit par Paris intra muros. Cette situation pèse lourdement sur les réseaux. Aujourd’hui, l’idée de construire un métro en rocade, Arc Express, autour de Paris fait donc consensus et le lancement des études a ainsi été acté par la Région et l’Etat dans le cadre du CPER 2007-2013. Assurant un nouveau maillage en reliant les lignes radiales de RER et de métro existantes, Arc Express faciliterait également l’accès à de nombreux équipements (hôpitaux, universités…) et pôles d’activité et d’emploi (grands centres commerciaux). Ce système de transport pourrait contribuer à « structurer » la zone dense de l’agglomération parisienne sur le plan urbanistique. Mais sur ce dossier phare, la Région entend conserver la main, comme son Président, Jean-Paul Huchon l’a bien précisé aux élus de la Conférence métropolitaine présents : « Sur Arc Express, je mets 30 millions d’euros à la disposition du STIF pour mener les études, alors qu’on ne refasse pas deux fois le même travail, qu’on ne réinvente pas la poudre, parce que je ne suis pas certain que le SMEP fasse mieux avec moins d’argent ! En revanche, pour les déplacements de proximité, les vélos, les circulations douces et les voitures électriques, d’accord, il y a des complémentarités possibles à trouver ». La Région gardera son leadership pour la programmation des modes lourds, les collectivités infrarégionales de la métropole étant seulement invitées à définir des projets s’inscrivant dans le cadre de la stratégie régionale d’aménagement du territoire ou en complémentarité pour des raisons de proximité. Et sur ce point, Jean-Paul Planchou, maire de Chelles et Conseiller régional d’Île-de-France a été clair : « La région devra être un membre moteur de Paris Métropole, tout simplement parce que la Région est promotrice du Schéma directeur, le SDRIF, qu’elle est l’auteur du Schéma régional de développement économique, et qu’elle est responsable du schéma régional de formation mais aussi des déplacements (ndlr : le PDUIF) (…) Loin de nous, au niveau régional, l’idée d’imposer quoi que ce soit, mais nous ne voulons pas qu’une structure, au sein du périmètre francilien, puisse s’imposer à ses cohérences ».
Le message de la Région est, à cet égard, très bien passé dans la mesure où les statuts de Paris Métropole font une mention explicite au rapport de la commission Planchou « Scénarii pour la métropole : Paris - Ile-de-France demain ». Le syndicat mixte devra ainsi s’appuyer « sur les travaux existants et à venir concernant le territoire métropolitain, notamment ceux engagés autour de la préparation du schéma directeur (SDRIF), de la consultation « le grand pari de l'agglomération parisienne », de la commission ad hoc du conseil régional « Scénarii pour la métropole : Paris - Ile-de-France demain » et en tenant compte des contributions des collectivités territoriales, EPCI, des chambres consulaires, ainsi que des réflexions en cours au niveau de l'Etat et du Parlement », précisent les statuts du SMEP. Pour rappel, la commission Planchou a proposé, en matière de transports, de « faire évoluer le STIF vers un Syndicat des Déplacements d’Ile de France (SDIF), en étendant les compétences du STIF à l’ensemble des champs de la mobilité durable, c'est-à-dire en intégrant : l’exploitation du réseau de voies express de l’Île de France (800 km) ; la capacité de réservation d’emprises pour des transports collectifs, y compris taxis, l’information multimodale pour l’ensemble des réseaux de transport (transports en commun et voies rapides) ; la perception des droits d’usages (partie des amendes de voirie, éventuels dispositifs de péages urbains) ; l’organisation de la logistique urbaine. Destinée à optimiser la cohérence des différents modes de déplacements et à faciliter le partage de la voirie d’intérêt régional, cette évolution pourrait ainsi accompagner de façon cohérente l’émergence des Autorités Organisatrices de Proximité (AOP), notamment au bénéfice d’intercommunalités renforcées, auxquelles conformément au décret n°2005-664 du 10 juin 2005 le STIF peut déléguer certaines attributions en matière d’exploitation des transports collectifs locaux. »
Dans ce contexte, la structuration d’une AOP du cœur de l’agglomération est-elle possible ? Aujourd’hui, les rares AOP en vigueur ne disposent pas toujours d’un périmètre cohérent, notamment en raison du déploiement territorial de l’intercommunalité en Région Île-de-France, qui n’est pas satisfaisant. De fait, les démarches de plans locaux des déplacements (PLD) peinent souvent à trouver une consistance. L’élaboration de PLD structurants nécessiterait donc de créer systématiquement des structures supra-communautaires de type syndicale, ce qui ne fait qu’ajouter une couche de plus au « mille-feuille ». Il est donc pour le moins paradoxal que la structuration de bassins locaux de déplacements, censée pallier les carences et la lourdeur du système de transports francilien (qui résultent par ailleurs largement du maintien de droits de ligne patrimoniaux octroyés par l’Etat aux opérateurs historiques), se traduise par une complexification institutionnelle. Sur ce plan, il y a fort à parier que le comité Balladur (qui associe le nouveau Préfet de la Région Île-de-France, Daniel Canépa) fasse un certain nombre de propositions visant à rationaliser la carte de l’intercommunalité dans la région. Et si les nouveaux services de mobilité pouvaient justement remédier à ce déficit d’intercommunalité ?
L'extension de Vélib que l'on croît (à tort) anecdotique est en réalité l'expression parfaite de la difficulté de réaliser un maillage plus efficace des modes de déplacements à l'échelle de la zone dense. La Ville de Paris ne s'y est pas trompée en travaillant sur son nouveau projet Autolib' dont la mise en place devrait être déployée à l'échelle de près de 80 communes de la petites couronne. Une Délégation de Service Public est en cours de réflexion tout comme la constitution d'un Syndicat mixte ouvert associant les communes, les départements et la Région, chargée de réviser le Plan de Déplacements Urbain d'Île-de-France (PDUIF). A cet égard, il est indispensable que ces nouveaux services de mobilité s'insèrent dans la politique globale de déplacements urbains définie par la Région mais aussi dans les politiques locales de l'urbanisme, ne serait-ce que pour définir des orientations cohérentes en matière de stationnement et de voirie.
La traduction effective de ces projets est donc conditionnée à la coordination des compétences voirie, stationnement, transports ou encore circulation, prérogatives qui sont disséminées entre les différents acteurs (municipalités, conseils généraux, STIF, autorités organisatrices de proximité intercommunales, Préfecture de Police).
Olivier Crépin, urbaniste

samedi 27 septembre 2008

Quelle place pour le Grand Paris dans la réforme de l'organisation territoriale de la France?



Une semaine après avoir assisté au débat organisé par l'association Urba+ au Cnam sur "Le Grand Paris des Urbanistes", des étudiants de Master de l'Institut d'Urbanisme de Paris ont adressé une lettre à Philippe Dallier. Nous publions (ci-après) cette contribution concise et précise, qui formule 3 propositions :
1° Les objectifs de fond doivent déterminer les instruments de gouvernance ;
2° Le système métropolitain francilien doit trouver une forme de gouvernance innovante et inédite compte-tenu de son contexte territorial spécifique ;
3° Il n'y a pas de périmètre pertinent : "La gouvernance du Grand Paris exigerait de créer un animateur central et global, qui aurait à la fois suffisamment de stabilité et de compétences pour canaliser l'action et assez de souplesse pour coordonner le travail concomitant dans des périmètres divers et évolutifs".

Concrètement? Les jeunes urbanistes proposent la création d'un "conseil du Grand Paris, animé par le maire de la capitale et le président du conseil régional, ou siégeraient les représentants des collectivités de l'agglomération parisienne. Cette assemblée pourrait acquérir progressivement des compétences départementales et communales."

On songe à la fois au Haut conseil de l'agglomération parisienne de la proposition de Loi de Georges Sarre et au syndicat mixte ouvert prôné par Roger Karoutchi. Un syndicat de ce type, consacré à "l'étude", a depuis été annoncé par la conférence métropolitaine du 25 juin 2008. Mais la question du portage institutionnel et celle de la composition de l'organe délibérant d'une telle structure cristallisent tous les antagonismes, comme le laisse entendre sur son blog Pierre Mansat, Adjoint au Maire de Paris en charge du projet Paris Métropole. Dans ce schéma de co-gestion, la Région et la Ville de Paris risquent assurément de se disputer le leadership métropolitain pendant longtemps.

Dans les faits, la proposition des étudiants de l'IUP est donc loin de trouver une traduction politique immédiate et une faisabilité institutionnelle. C'est une question de gouvernabilité, ni plus ni moins. A leur échelle territoriale respective et en restant sur leur pré-carré politico-administratif, la Région Île-de-France et la Ville de Paris ne peuvent véritablement "fédérer" les collectivités du cœur de la métropole : au delà de la crainte d'un hégémonisme de l'une ou l'autre, c'est bien l'inadaptation des circonscriptions électives et des territoires de représentation qui est en cause. En d'autres termes, les territoires vécus de la métropole, les "quartiers" de la zone dense (certains parlent de "quadrants") sont en total décalage avec les périmètres électoraux (arrondissements, cantons, communes, circonscriptions) hérités de la réforme administrative de 1964 et de la Loi PLM de 1982 . Un véritable gouvernement de la métropole, c'est-à-dire, de la zone dense (la petite couronne et un peu au delà) nécessite donc sans aucun doute d'envisager d'autres alternatives sur le plan institutionnel.

Alors que le Président de la République vient de confirmer, dans son discours de Toulon, la mise en chantier de l'organisation territoriale de notre pays, il semble opportun de profiter de cette occasion pour remodeler les pouvoirs locaux en Région Île-de-France et à l'échelle de la métropole parisienne. Les formes classiques du gouvernement local et notre structure administrative (héritée de la Révolution française) ne sont plus adaptées à l'ère de la globalisation et de la métropolisation. La place des départements de petite couronne dans le système métropolitain est donc clairement posée, comme celle des communes de la zone dense qui, faute d'ingénierie urbaine, ne peuvent peser face aux grands opérateurs de services publics en réseaux. Quant à l'intercommunalité, chacun sait que son déploiement en Région Île-de-France ne pouvait aboutir à la structuration de véritables bassins de vie à partir du moment où la Ville-centre, Paris, restait isolée. Le système actuel est donc mis en échec, car il ne parvient ni à garantir le rayonnement externe de la métropole ni à assurer sa cohésion interne. Pour répondre à la fois aux besoins de proximité et aux enjeux métropolitains, il faut donc "changer de braquet".

Parce qu'une métropole ne peut garantir la cohésion urbaine avec un cœur mort, Paris doit réaffirmer un leadership économique et urbanistique, sortir définitivement de son isolement historique et concrétiser son projet de coopération Extra muros sur le plan géoinstitutionnel. Il ne s'agit pas d'annexer les communes voisines comme au temps de Hausmann, mais d'engager une mutation profonde de la gouvernance métropolitaine. Car la gouvernance actuelle de l'agglomération, la fragmentation extrême de ses territoires et l’émiettement des stratégies de ses élus mettent clairement en péril son développement comme sa cohésion. Il ne s'agit pas non plus de revenir sur le principe de la décentralisation et de prôner le retour d'un État autoritaire, mais de dresser un bilan sur les conditions de mise en œuvre de cette décentralisation en région parisienne : "300 communes, 300 politiques d'urbanisme", rappelle à juste titre le Président de la SFU Jean-Pierre Gautry dans une récente tribune.

Pas plus que les communes ne constituent l'échelon pertinent pour gérer le droit des sols, l'Hôtel de Ville et ses petits arrondissements satellisés n'incarnent une ambition métropolitaine. “Le "Petit Paris" actuel est le produit de ce que Jean Viard a appelé une "démocratie du sommeil". Les électeurs étant ceux qui y dorment, ils votent pour une politique davantage tournée vers le confort résidentiel que vers l'activité et le progrès, au détriment du million d'actifs qui y viennent travailler chaque jour”, observe Laurent Davezies, professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris.

Dans ces conditions, le scénario d'un redécoupage de l'ensemble de la zone dense de la métropole en grands "Districts" (ou boroughs, comme on dit à Londres) ne doit pas être écarté. Plus fédérateur que celui de la "marguerite" (qui isole la Ville de Paris), cette recomposition territoriale aurait au moins le mérite d'arrimer les communes limitrophes (ce qu'on appelle communément "la banlieue") à Paris intra muros. C'est à cette condition que des bassins de vie peuvent se structurer, non pas contre Paris, mais à partir du cœur de Paris. Une manière de récréer du lien, de casser le mur du périph' (futur boulevard urbain de Paris Métropole?) et de faire de l'Hôtel de Ville de Paris "le parlement du Grand Paris", une "arène de la métropole", où chaque District enverrait ses représentants. Élus au suffrage universel direct, ceux-ci pourraient alors désigner le Président de l'institution métropolitaine du Grand Paris.

Olivier Crépin, urbaniste.


Lire la lettre des étudiants du Master de l'Institut d'Urbanisme de Paris adressée à Philippe Dallier

mardi 2 septembre 2008

Paris Métropole : la contribution de Philippe Panerai, urbaniste





Les contributions de l'urbaniste Philippe Panerai ont souvent le mérite de faire avancer la réflexion sur l'analyse urbaine et plus largement sur la représentation des territoires. C'est encore le cas avec son dernier ouvrage, Paris Métropole. Formes et échelles du Grand-Paris, tout juste paru aux Editions de La Villette. Architecte de formation, Philippe Panerai s'est professionnalisé en tant qu'urbaniste dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de la conception urbaine. Ancien élève de l'Institut d'Urbanisme de Paris, il avoue, au tout début du livre, que la question de la métropole parisienne le poursuit depuis ses études. Plus récemment, il a notamment participé au débat sur la révision du Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF).

Dans Paris Métropole. Formes et échelles du Grand Paris, l'urbaniste construit le fil rouge de sa réflexion en sept étapes : 1/densités 2/échelles et limites 3/géographies 4/pavillons et grands ensembles 5/mobilité/centralités 6/comparaisons Paris, Londres, New York, Shanghai 7/les formes de la gouvernance métropolitaine.

Reposant ainsi le diagnostic de manière claire et pertinente à partir des densités et des pôles de centralité, Philippe Panerai envisage notamment comme périmètre du Grand Paris le territoire circonscrit à l'intérieur de la rocade autoroutière A 86, "infrastructure qui réinterprète l'échelle métropolitaine". "Porteuse d'une succession de centres commerciaux - Velizy 2, Belle Epine, Rosny 2... - à partir desquels s'organisent la consommation et les loisirs de millions d'habitants, l'A 86 apparaît susceptible de donner à la métropole une image, une identité, à condition de lui accorder un peu d'attention et de soin. (...) Plus qu'une coupure dans le tissu, ce qu'il est aujourd'hui, il faut l'imaginer comme une suture entre les morceaux de la grande ville de part et d'autre et le traiter en conséquence."

C'est là que Philippe Panerai (qui a voyagé et observé le fonctionnement des grandes métropoles mondiales) propose une idée tout à fait stimulante : utiliser l'emprise de l'A 86 pour faire passer le "métrophérique" ou "Arc Express", le fameux métro en rocade autour de Paris qui fait tant défaut aujourd'hui et dont le coût est évalué à plus de 5 milliards d'€. En surface, surélevé, décaissé ou enterré, ce tracé à moindre coût (moins d'acquisitions foncières, moins de percements et autres travaux de gros œuvre) se veut un compromis pour mieux relier universités, grandes écoles, centres commerciaux, pôles économiques, grands équipements et pôles de loisirs de la zone dense de l'agglomération.

Ce parti pris a également des avantages pour mieux assurer la cohésion urbaine par la connexité des banlieues enclavées aux plus grands pôles d'activités métropolitains. Et d'interpeller ainsi les concepteurs de la politique de rénovation urbaine : "N'est-ce pas en agissant sur ces terrains plutôt qu'en démolissant des logements encore occupés que l'on peut amorcer dans les banlieues les conditions d'un développement économique créateur de richesse et d'emplois tout en améliorant immédiatement les conditions de la vie quotidienne de ceux qui, à juste titre, se sentent exclus?".

Plus prudent sur les solutions institutionnelles qui sont à envisager pour la gouvernance métropolitaine, Philippe Panerai conclut de manière limpide : "La carte d'un Grand-Paris plus juste et plus solidaire sera le plan de ses transports en commun".





lundi 1 septembre 2008

Le Grand Paris... c'est la France! Par Jean-Pierre Gautry, Président de la SFU



Dans une tribune, parue ce lundi 1er septembre, Jean-Pierre Gautry, président de la Société Française des Urbanistes (SFU), profite de l'actualité du Grand Paris pour reposer la question de la gouvernance territoriale et du pouvoir d'agglomération. Selon lui, ce pouvoir d'agglomération n'a pas encore émergé. Alors que les débats sur le Grenelle de l'Environnement n'ont pas encore vraiment tranché la question du choix de "l'autorité organisatrice locale du développement durable", qu'un projet de loi sur la modernisation de l'administration territoriale de la France est en préparation, Jean-Pierre Gautry plaide ainsi pour un renforcement de l'intercommunalité, notamment des communautés d'agglomération.

En matière de stratégie territoriale, le Président de la SFU prend position : "Gardons-nous aussi de penser que c’est en étalant davantage les emplois que nous rendrons service aux « Grand Parisiens » : une métropole ne peut pas garantir la cohésion urbaine avec un coeur mort." Un parti pris qui se fonde notamment sur le diagnostic de Laurent Davezies, qui a vertement critiqué les effets désastreux de l'étalement des emplois pour l'efficacité énergétique et le fonctionnement socioéconomique de la métropole.

Lire la tribune

dimanche 22 juin 2008

Comment (a)ménager le territoire et construire une identité métropolitaine?


Un Grand Paris pour qui et à quel prix? Les ressorts de l'attractivité mis en jeu par les grandes
métropoles mondiales tendent à les faire se ressembler, car privilégiant les "signaux" intéressant les couches les plus aisées et les plus mobiles de la population. Dans un contexte d'uniformisation sociale et culturelle, chaque métropole a pourtant intérêt à faire jouer sa différence et à tirer parti de sa diversité interne. Au-delà, la réalité sociale vécue par la population doit pouvoir être nourrie par la logique d'identification et d'appropriation : à son quartier, à sa commune, à la métropole... Dans ce cadre, comment faire naître et se développer une territorialité partagée ? Comment prolonger et "sublimer" le modèle urbain de Paris, fait de mixité sociale et fonctionnelle, et d'intégration ? Comment ménager le territoire, tout à la fois le manager et en prendre soin ?

















Un public attentif



Mireille FERRI, Vice-présidente du Conseil régional d'Île-de-France chargée de l'aménagement du territoire

"Une organisation spatiale élargie pour gérer les conflits d'échelle"






Pierre MANSAT, Adjoint au Maire de Paris chargé de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Île-de-France, Président du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme, et d'Environnement de Paris, Vice-président de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR)


Vers une métropole "fédérale" (ou la fédération des gouvernements locaux du cœur de la métropole) ?





Le débat métropolitain doit devenir citoyen





Philippe DALLIER, Sénateur de Seine-Saint-Denis, Maire des Pavillons-sous-Bois, membre de l'observatoire de la décentralisation du Sénat

"Pourquoi la construction politique de la métropole se ferait contre la grande couronne?"






Le constat de l'échec de l'urbanisme communal dressé, quelle gouvernance pour les grands projets d'urbanisme? Interventions de Philippe Dallier et de Jean-Luc Vidon:





Comment créer les conditions d'une véritable "intelligence métropolitaine"?




Pour une métropole mondiale du XXIe siècle, le véritable enjeu est celui de l'économie de la connaissance et donc de "l'intelligence" : "économique" ou encore "territoriale", cette intelligence doit être avant tout collective... Comment dépasser la culture de la conflictualité qui a empreint les relations politiques pendant de longues décennies en Île-de-France ? Est-ce par une nouvelle institution? De nouveaux modes de gouvernance? De nouvelles relations entre acteurs publics et privés (à l'instar de la politique des pôles de compétitivité)? L’élaboration d'un projet métropolitain ? La mise en place d'une dynamique de développement à partir de grands projets?


Introduction et animation par Gilles RABIN, Agence SHERPAA


"Peut-on gouverner un phénomène gazeux?"




Intervenants :

Philippe DALLIER, Sénateur de Seine-Saint-Denis, Maire des Pavillons-sous-Bois, membre de l'observatoire de la décentralisation du Sénat


"Le Grand Paris existe, c'est la métropole et il faut la gouverner"





Mireille FERRI, Vice-présidente du Conseil régional d'Île-de-France chargée de l'aménagement du territoire


A propos du Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF):




Lien : Le site consacré à la révision du SDRIF

Pierre MANSAT, Adjoint au Maire de Paris chargé de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Île-de-France, Président du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme, et d'Environnement de Paris, Vice-président de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR)

Gouvernance et grands projets : marcher sur deux pieds






François BALLET, Secrétaire Général Scientifique, Sanofi-Aventis R&D (Val-de-Marne)

"L'organisation territoriale du Grand Lyon nous paraît beaucoup plus claire"



Jean-François DALAISE, Président de Port Autonome de Paris, membre du Conseil économique et social de la Région Île-de-France

"Ne pas négliger la fonction logistique dans les politiques locales d'urbanisme"




Lien : Schéma des infrastructures portuaires élaboré par Port Autonome de Paris en 2005




Jean-Luc VIDON, Directeur général délégué de l'ICF La Sablière, administrateur de l'AORIF

"En matière de rénovation urbaine, on intervient sur des échelles trop restreintes"








samedi 21 juin 2008

Comprendre la complexité métropolitaine


Les urbanistes, dans leur pluralité, ont permis au fil du XXe siècle, une meilleure appréhension des phénomènes économiques, techniques, sociaux, politiques, à l'œuvre dans le développement des territoires et en particulier des grandes métropoles. Naviguant entre analyses pointues et capacités de synthèse large, l'approche des urbanistes permet d'éclairer la complexité métropolitaine. Quel peut être leur apport pour surpasser les logiques sectorielles à l'œuvre et parvenir à réguler les mécanismes de marché (emploi, logement, formation, transports...) ? Quel diagnostic pour comprendre la complexité de la métropole parisienne ? Actifs, habitants, étudiants, entreprises et touristes, comment concilier les besoins et aspirations de chacun ? Trois experts mettent en exergue les logiques d'usage et de résidence qui rentrent en tension dans la dynamique du développement territorial de la région capitale.



Intervenants :


Frédéric GILLI, économiste, maître de conférences et responsable associé de la chaire Ville, Sciences Po Paris


Si la ville est un objet qui créé de la valeur alors pourquoi ne pas investir dans la ville?




> La nouvelle géographie économique de la métropole parisienne : une présentation de Frédéric Gilli







Jean-Claude DRIANT, professeur à l'Institut d’Urbanisme de Paris (IUP), directeur du Centre de Recherche sur l'Espace, les Transports, l'Environnement et les Institutions Locales (C.R.E.T.E.I.L)

"Il y a aujourd'hui beaucoup trop d'institutions en charge du logement qui ne cessent de se contredire"





Jean-Pierre ORFEUIL, professeur à l'IUP et à l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC)

Accessibilité à l'emploi, déclassement salarial et temps disponible des ménages : "une fracture périphérique"






Pour aller plus loin :
  • Développement territorial et emploi
  • Transports et mobilités
  • Gouvernance territoriale

> Voir le point de vue de Daniel Béhar sur le "Grand Paris", paru dans la revue Urbanisme, 2008

> Les nouveaux contours de la métropole parisienne, par Frédéric Gilli, paru dans La Vie des Idées.fr, 5 novembre 2008

> Du local et du métropolitain : Paris, métropole multi-échelles, par Frédéric Gilli, paru dans La Vie des Idées.fr, 12 novembre 2008


> Faut-il un gouvernement à l’Île-de-France?, article de Daniel Béhar et Philippe Estèbe paru dans Pouvoirs Locaux, N°73, 2007

> La planification au péril du SDRIF ?, un article de Daniel Béhar et de Philippe Estèbe, Urbanisme, Hors Série n°29. Schéma Directeur de la Région Ile-De-France, défis, planification, identité, novembre-décembre 2006

> Géopolitique de l’agglomération parisienne : la révolution tranquille, article de Daniel Béhar paru dans le N°333 de la revue Urbanisme consacré à "Paris/Banlieues", novembre-décembre 2003

> Paris en Île-de-France. Matériaux pour un débat, rapport d'ACADIE, novembre 2002

> Vers la Région urbaine de Paris ?, article de Daniel Béhar, paru en 2001 dans Urbanisme

Du Grand Paris de 1920 à Paris Métropole 2008



Un regard rétrospectif pour mettre en perspective l'accélération de l'actualité politique avec une histoire du "Grand Paris" déjà conséquente : rappel des origines de l'idée de "Grand Paris", des grandes heures du département de la Seine, puis cheminement jusqu'aux avancées de ces dernières années (révision du SDRIF, conférence métropolitaine) et aux événements les plus récents (secrétariat d'État au "développement de la région capitale")... En leur temps penseurs et techniciens du développement urbain, aujourd'hui davantage positionnés comme des "experts de la complexité métropolitaine", les urbanistes peuvent apporter une valeur ajoutée au débat.



mercredi 18 juin 2008

L’implication historique de l’Institut d’Urbanisme de Paris dans les affaires du "Grand Paris"


L’Institut d’Urbanisme de Paris (IUP), plus ancienne école française d’urbanisme, a acquis une expertise reconnue sur l’aménagement urbain et le développement territorial de l’agglomération parisienne, et ce depuis les premières années de sa fondation, dans les années 1920. Les fondateurs de l’Ecole des Hautes Etudes Urbaines, l’ancêtre de l’Institut d’Urbanisme de Paris, sont en effet parti prenants des grands débats qui agitent la société urbaine, en particulier autour de la capitale : qu’il s’agissent des premières grandes initiatives en matière d’habitat social (le "logement à bon marché"), de la réflexion menée à Paris sur l’extension de l’agglomération et les services et équipements urbains en banlieue (le système de transport collectif, avec le chantier du métro), ou le débat autour de la destruction de l’enceinte défensive parisienne débouchant sur la question des "espaces libres".

Mais ces problématiques urbanistiques sont également indissociables des questions institutionnelles propres à l’agglomération parisienne. En effet, sous l’égide d’Henri Sellier, maire socialiste de Suresnes de 1919 à 1941, co-fondateur dès 1919 avec Marcel Poëte de l’Ecole des Hautes Etudes Urbaines, émerge une approche intercommunale des politiques d’habitat à l’échelle de l’ancien département de la Seine. Ce pionnier avait ainsi fondé dès 1915 l’office départementale d’Habitation à bon marché, un des grands syndicats techniques, qui ont joué le rôle de leviers d’intégration des banlieues parisiennes. L’historien Emmanuel Bellanger montre dans ses travaux que la promotion des solidarités intercommunales en proche banlieue est (déjà) garantie par plusieurs institutions de défense des intérêts suburbains, institutions de médiation sur lesquelles s’appuient les maires de proche banlieue pour la recherche du compromis politique. Ces institutions du "compromis intercommunal" ont pour nom l’Union des maires de la Seine créée dès 1909, la direction des affaires départementales de la préfecture de la Seine qui assure le gouvernement exécutif du "Grand Paris" et l’association des secrétaires généraux de mairie fondée dès 1862 sous l’autorité du préfet Haussmann. Elles sont relayées par deux écoles pionnières de professionnalisation du personnel communal : l’École des hautes études urbaines sous les auspices du conseil général de la Seine et l’École nationale d’administration municipale (ENAM). Ces institutions, coparrainées par la préfecture et les collectivités locales, forment les administrateurs des communes et assument une fonction de rationalisation de la conduite des affaires municipales. Henri Sellier assure alors le lien entre l’Institut d’urbanisme de Paris et le Conseil Général de la Seine, et plus globalement le corps politique. Si la pluridisciplinarité universitaire est une des grandes originalités de cette institution, sa volonté de se situer à l’interface des savoirs académique, techniques et de la décision attire l’attention dans le paysage intellectuel de l’époque. Outre le Diplôme de l’Ecole, débouchant sur la présentation d’une thèse d’urbanisme, une Section de Perfectionnement administratif, organisée à partir de 1922 sous le nom d’Ecole Nationale d’Administration Municipale, assure une formation continue pour les fonctionnaires municipaux des communes urbaines et de banlieue. A partir de 1924, l’Ecole des hautes études urbaines rejoint la Sorbonne sous le nom d’Institut d’Urbanisme de L’Université de Paris (IUUP).


L’Institut d’Urbanisme de Paris en 10 dates clés :

La trajectoire de cet Institut de formation et de recherche en urbanisme, du centre de Paris à la banlieue, puis au sein même du Nouveau Créteil révèle à sa façon les rapports entre l’enseignement supérieur et la ville.

1916 : Création de l’Institut d’histoire, de géographie et d’économie urbaines auprès de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris pour prolonger la réflexion de la Commission d’extension sur Paris et son agglomération (1911-1913)

1919 : Création de la revue La Vie urbaine, organe principale de publication de l’Ecole des Hautes Etudes Urbaines (EHEU), fondée la même année sous l’égide de Marcel Poëte et de Henri Sellier. La revue interrompt sa publication de 1940 à 1950, puis la reprend jusqu’en 1977.

1922 : Mise en place de l’Ecole Nationale d’Administration Municipale, section de perfectionnement administratif de l’EHEU

1924 : L’Ecole des Hautes Etudes Urbaine est rattachée à la Sorbonne et prend le nom d’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris (IUUP).

1933 : L’IUUP est accueilli au sein l’Institut d’art et d’archéologie près du Luxembourg, dépendant de la Sorbonne.

1968 : Les événements de Mai 68 et la déconcentration universitaire voulue par Edgar Faure ont pour conséquence la délocalisation de l’IUUP, à l’époque dirigé par le juriste Georges Burdeau (qui a succédé en 1964 à l’historien Pierre Lavedan). L’institut quitte le centre de Paris pour être rattaché à une nouvelle université : Paris-Dauphine, dans le XVIe arrondissement. Il prend le nom d’Institut d’Urbanisme de Paris (IUP)

1972 : Après quelques années d’incertitude, l’Institut d’Urbanisme de Paris rejoint l’université nouvelle de Paris 12 Val de Marne localisée à Créteil, ville érigée en Préfecture suite à la réorganisation administrative de la région parisienne.

1992 : Le Diplôme de l’IUP (DIUP) se transforme en un DESS Urbanisme et Gestion des Villes

1995 : Naissance d’Urba+, association des anciens élèves de l’Institut d’Urbanisme de Paris

2006 : Les DESS et DEA de l’Institut d’Urbanisme de Paris se fondent dans le Master Urbanisme et Territoires


Les domaines d’expertise sur la métropole parisienne présents à l’Institut d’Urbanisme de Paris aujourd’hui :

De nombreuses problématiques abordées par les enseignants chercheurs de l’IUP concernent particulièrement les politiques publiques d’aménagement en région Île-de-France, permettant ainsi à l’Institut de maintenir un niveau d’expertise reconnu sur la métropole parisienne.

Parmi les sujets de prédilection, on peut mentionner :

- L’étude des dysfonctionnements des marchés du logement en région Île-de-France (Jean-Claude Driant)

- L’étude de l’efficacité du système de transports collectifs francilien (Jean-Pierre Orfeuil)

- L’analyse des stratégies territoriales et urbaines en Région Île-de-France (Daniel Béhar)

- L’analyse de la géographie socio-fiscale de l’intercommunalité francilienne (Laurent Davezies) -

voir notamment Béhar D., Davezies L., Korsu, E. (1999) "Pauvreté, inégalités sociales, inégalités fiscales : un réexamen dans le contexte des nouveaux modes d’intervention de l’Etat sur les territoires". Rapport pour le Préfet d’Ile de France. Acadie/OEIL-IUP-UMPVM. Paris, Créteil, Février 1999, polyg. 80 pages+Synthèse de 15 pages.
- L'histoire des politiques du logement et des grandes opérations d'urbanisme dans les villes nouvelles d'Île-de-France (Laurent Coudroy de Lille)

- L’étude des politiques de transport de marchandises en Région Île-de-France

- L’analyse sociopolitique des conflits associés aux nuisances environnementales autour des plate-formes aéroportuaires en région parisienne (Guillaume Faburel)



Sources :

Emmanuel Bellanger, "Le Grand Paris, sa banlieue rouge et ses solidarités intercommunales : les leçons de l’histoire", article publié sur le Blog Paris Métropole

Histoire de l’IUP - Eléments chronologiques, par Laurent COUDROY de LILLE, 1997, révisé en 2002

> Pour aller plus loin sur l’histoire de l’Institut d’Urbanisme de Paris, consulter l’exposition réalisée sous la direction de Laurent Coudroy de Lille, professeur à l’IUP

mardi 17 juin 2008

250 professionnels de l'urbain réunis pour parler "Métropole"


L’association Urba+ - réseau de l’Institut d’Urbanisme de Paris - a organisé jeudi 12 juin un débat sur le thème "Le Grand Paris des urbanistes". Cette manifestation, qui associait experts, élus franciliens, et acteurs socioéconomiques de la métropole, a réuni, au sein du grand amphithéâtre du Cnam, 250 participants.







> Voir le programme de la rencontre


Visionner l'allocution d'ouverture de Bernard Dreyfus, Directeur général des services du Médiateur de la République et Professeur titulaire de la chaire Administration et gestion des collectivités locales au Cnam :

3 anecdotes sur les transports, les services publics de proximité et... la gouvernance






Visionner l'allocution d'ouverture de Michel Cantal-Dupart, Professeur titulaire de la Chaire d'urbanisme et d'environnement

"Et pourquoi pas une école du Grand Paris?"





> Voir l'éditorial d'Urbapress Informations (11 juin 2008) :

























> Lire le point de vue de Pierre Mansat sur la soirée











Ce débat a été organisé avec le soutien de :