samedi 27 septembre 2008

Quelle place pour le Grand Paris dans la réforme de l'organisation territoriale de la France?



Une semaine après avoir assisté au débat organisé par l'association Urba+ au Cnam sur "Le Grand Paris des Urbanistes", des étudiants de Master de l'Institut d'Urbanisme de Paris ont adressé une lettre à Philippe Dallier. Nous publions (ci-après) cette contribution concise et précise, qui formule 3 propositions :
1° Les objectifs de fond doivent déterminer les instruments de gouvernance ;
2° Le système métropolitain francilien doit trouver une forme de gouvernance innovante et inédite compte-tenu de son contexte territorial spécifique ;
3° Il n'y a pas de périmètre pertinent : "La gouvernance du Grand Paris exigerait de créer un animateur central et global, qui aurait à la fois suffisamment de stabilité et de compétences pour canaliser l'action et assez de souplesse pour coordonner le travail concomitant dans des périmètres divers et évolutifs".

Concrètement? Les jeunes urbanistes proposent la création d'un "conseil du Grand Paris, animé par le maire de la capitale et le président du conseil régional, ou siégeraient les représentants des collectivités de l'agglomération parisienne. Cette assemblée pourrait acquérir progressivement des compétences départementales et communales."

On songe à la fois au Haut conseil de l'agglomération parisienne de la proposition de Loi de Georges Sarre et au syndicat mixte ouvert prôné par Roger Karoutchi. Un syndicat de ce type, consacré à "l'étude", a depuis été annoncé par la conférence métropolitaine du 25 juin 2008. Mais la question du portage institutionnel et celle de la composition de l'organe délibérant d'une telle structure cristallisent tous les antagonismes, comme le laisse entendre sur son blog Pierre Mansat, Adjoint au Maire de Paris en charge du projet Paris Métropole. Dans ce schéma de co-gestion, la Région et la Ville de Paris risquent assurément de se disputer le leadership métropolitain pendant longtemps.

Dans les faits, la proposition des étudiants de l'IUP est donc loin de trouver une traduction politique immédiate et une faisabilité institutionnelle. C'est une question de gouvernabilité, ni plus ni moins. A leur échelle territoriale respective et en restant sur leur pré-carré politico-administratif, la Région Île-de-France et la Ville de Paris ne peuvent véritablement "fédérer" les collectivités du cœur de la métropole : au delà de la crainte d'un hégémonisme de l'une ou l'autre, c'est bien l'inadaptation des circonscriptions électives et des territoires de représentation qui est en cause. En d'autres termes, les territoires vécus de la métropole, les "quartiers" de la zone dense (certains parlent de "quadrants") sont en total décalage avec les périmètres électoraux (arrondissements, cantons, communes, circonscriptions) hérités de la réforme administrative de 1964 et de la Loi PLM de 1982 . Un véritable gouvernement de la métropole, c'est-à-dire, de la zone dense (la petite couronne et un peu au delà) nécessite donc sans aucun doute d'envisager d'autres alternatives sur le plan institutionnel.

Alors que le Président de la République vient de confirmer, dans son discours de Toulon, la mise en chantier de l'organisation territoriale de notre pays, il semble opportun de profiter de cette occasion pour remodeler les pouvoirs locaux en Région Île-de-France et à l'échelle de la métropole parisienne. Les formes classiques du gouvernement local et notre structure administrative (héritée de la Révolution française) ne sont plus adaptées à l'ère de la globalisation et de la métropolisation. La place des départements de petite couronne dans le système métropolitain est donc clairement posée, comme celle des communes de la zone dense qui, faute d'ingénierie urbaine, ne peuvent peser face aux grands opérateurs de services publics en réseaux. Quant à l'intercommunalité, chacun sait que son déploiement en Région Île-de-France ne pouvait aboutir à la structuration de véritables bassins de vie à partir du moment où la Ville-centre, Paris, restait isolée. Le système actuel est donc mis en échec, car il ne parvient ni à garantir le rayonnement externe de la métropole ni à assurer sa cohésion interne. Pour répondre à la fois aux besoins de proximité et aux enjeux métropolitains, il faut donc "changer de braquet".

Parce qu'une métropole ne peut garantir la cohésion urbaine avec un cœur mort, Paris doit réaffirmer un leadership économique et urbanistique, sortir définitivement de son isolement historique et concrétiser son projet de coopération Extra muros sur le plan géoinstitutionnel. Il ne s'agit pas d'annexer les communes voisines comme au temps de Hausmann, mais d'engager une mutation profonde de la gouvernance métropolitaine. Car la gouvernance actuelle de l'agglomération, la fragmentation extrême de ses territoires et l’émiettement des stratégies de ses élus mettent clairement en péril son développement comme sa cohésion. Il ne s'agit pas non plus de revenir sur le principe de la décentralisation et de prôner le retour d'un État autoritaire, mais de dresser un bilan sur les conditions de mise en œuvre de cette décentralisation en région parisienne : "300 communes, 300 politiques d'urbanisme", rappelle à juste titre le Président de la SFU Jean-Pierre Gautry dans une récente tribune.

Pas plus que les communes ne constituent l'échelon pertinent pour gérer le droit des sols, l'Hôtel de Ville et ses petits arrondissements satellisés n'incarnent une ambition métropolitaine. “Le "Petit Paris" actuel est le produit de ce que Jean Viard a appelé une "démocratie du sommeil". Les électeurs étant ceux qui y dorment, ils votent pour une politique davantage tournée vers le confort résidentiel que vers l'activité et le progrès, au détriment du million d'actifs qui y viennent travailler chaque jour”, observe Laurent Davezies, professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris.

Dans ces conditions, le scénario d'un redécoupage de l'ensemble de la zone dense de la métropole en grands "Districts" (ou boroughs, comme on dit à Londres) ne doit pas être écarté. Plus fédérateur que celui de la "marguerite" (qui isole la Ville de Paris), cette recomposition territoriale aurait au moins le mérite d'arrimer les communes limitrophes (ce qu'on appelle communément "la banlieue") à Paris intra muros. C'est à cette condition que des bassins de vie peuvent se structurer, non pas contre Paris, mais à partir du cœur de Paris. Une manière de récréer du lien, de casser le mur du périph' (futur boulevard urbain de Paris Métropole?) et de faire de l'Hôtel de Ville de Paris "le parlement du Grand Paris", une "arène de la métropole", où chaque District enverrait ses représentants. Élus au suffrage universel direct, ceux-ci pourraient alors désigner le Président de l'institution métropolitaine du Grand Paris.

Olivier Crépin, urbaniste.


Lire la lettre des étudiants du Master de l'Institut d'Urbanisme de Paris adressée à Philippe Dallier

mardi 2 septembre 2008

Paris Métropole : la contribution de Philippe Panerai, urbaniste





Les contributions de l'urbaniste Philippe Panerai ont souvent le mérite de faire avancer la réflexion sur l'analyse urbaine et plus largement sur la représentation des territoires. C'est encore le cas avec son dernier ouvrage, Paris Métropole. Formes et échelles du Grand-Paris, tout juste paru aux Editions de La Villette. Architecte de formation, Philippe Panerai s'est professionnalisé en tant qu'urbaniste dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de la conception urbaine. Ancien élève de l'Institut d'Urbanisme de Paris, il avoue, au tout début du livre, que la question de la métropole parisienne le poursuit depuis ses études. Plus récemment, il a notamment participé au débat sur la révision du Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF).

Dans Paris Métropole. Formes et échelles du Grand Paris, l'urbaniste construit le fil rouge de sa réflexion en sept étapes : 1/densités 2/échelles et limites 3/géographies 4/pavillons et grands ensembles 5/mobilité/centralités 6/comparaisons Paris, Londres, New York, Shanghai 7/les formes de la gouvernance métropolitaine.

Reposant ainsi le diagnostic de manière claire et pertinente à partir des densités et des pôles de centralité, Philippe Panerai envisage notamment comme périmètre du Grand Paris le territoire circonscrit à l'intérieur de la rocade autoroutière A 86, "infrastructure qui réinterprète l'échelle métropolitaine". "Porteuse d'une succession de centres commerciaux - Velizy 2, Belle Epine, Rosny 2... - à partir desquels s'organisent la consommation et les loisirs de millions d'habitants, l'A 86 apparaît susceptible de donner à la métropole une image, une identité, à condition de lui accorder un peu d'attention et de soin. (...) Plus qu'une coupure dans le tissu, ce qu'il est aujourd'hui, il faut l'imaginer comme une suture entre les morceaux de la grande ville de part et d'autre et le traiter en conséquence."

C'est là que Philippe Panerai (qui a voyagé et observé le fonctionnement des grandes métropoles mondiales) propose une idée tout à fait stimulante : utiliser l'emprise de l'A 86 pour faire passer le "métrophérique" ou "Arc Express", le fameux métro en rocade autour de Paris qui fait tant défaut aujourd'hui et dont le coût est évalué à plus de 5 milliards d'€. En surface, surélevé, décaissé ou enterré, ce tracé à moindre coût (moins d'acquisitions foncières, moins de percements et autres travaux de gros œuvre) se veut un compromis pour mieux relier universités, grandes écoles, centres commerciaux, pôles économiques, grands équipements et pôles de loisirs de la zone dense de l'agglomération.

Ce parti pris a également des avantages pour mieux assurer la cohésion urbaine par la connexité des banlieues enclavées aux plus grands pôles d'activités métropolitains. Et d'interpeller ainsi les concepteurs de la politique de rénovation urbaine : "N'est-ce pas en agissant sur ces terrains plutôt qu'en démolissant des logements encore occupés que l'on peut amorcer dans les banlieues les conditions d'un développement économique créateur de richesse et d'emplois tout en améliorant immédiatement les conditions de la vie quotidienne de ceux qui, à juste titre, se sentent exclus?".

Plus prudent sur les solutions institutionnelles qui sont à envisager pour la gouvernance métropolitaine, Philippe Panerai conclut de manière limpide : "La carte d'un Grand-Paris plus juste et plus solidaire sera le plan de ses transports en commun".





lundi 1 septembre 2008

Le Grand Paris... c'est la France! Par Jean-Pierre Gautry, Président de la SFU



Dans une tribune, parue ce lundi 1er septembre, Jean-Pierre Gautry, président de la Société Française des Urbanistes (SFU), profite de l'actualité du Grand Paris pour reposer la question de la gouvernance territoriale et du pouvoir d'agglomération. Selon lui, ce pouvoir d'agglomération n'a pas encore émergé. Alors que les débats sur le Grenelle de l'Environnement n'ont pas encore vraiment tranché la question du choix de "l'autorité organisatrice locale du développement durable", qu'un projet de loi sur la modernisation de l'administration territoriale de la France est en préparation, Jean-Pierre Gautry plaide ainsi pour un renforcement de l'intercommunalité, notamment des communautés d'agglomération.

En matière de stratégie territoriale, le Président de la SFU prend position : "Gardons-nous aussi de penser que c’est en étalant davantage les emplois que nous rendrons service aux « Grand Parisiens » : une métropole ne peut pas garantir la cohésion urbaine avec un coeur mort." Un parti pris qui se fonde notamment sur le diagnostic de Laurent Davezies, qui a vertement critiqué les effets désastreux de l'étalement des emplois pour l'efficacité énergétique et le fonctionnement socioéconomique de la métropole.

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